
Le marché mondial des transferts de football, valant plus de 10 milliards de dollars chaque saison, est confronté à une refonte révolutionnaire ou à une évolution nuancée à la suite de la décision de la Cour européenne de justice la semaine dernière dans l'affaire Lassana Diarra.
En statuant que certaines réglementations de la FIFA sur les transferts de joueurs sont contraires à la législation de l'UE relative à la concurrence et à la liberté de mouvement, la plus haute juridiction de l'Union européenne a ouvert la voie à des changements profonds dans l'économie du sport.
Voici un aperçu des éléments clés de l'affaire et de l'impact possible de la décision historique.
Qui est Lassana Diarra ?
Lassana Diarra est un ancien footballeur très voyageur dont la carrière l'a amené à jouer pour des clubs prestigieux tels que Chelsea, le Paris Saint-Germain et le Real Madrid. Il a représenté la France 34 fois. À un moment de sa carrière, Diarra est parti jouer en Russie. C'est un litige avec le Lokomotiv Moscou qui a déclenché l'affaire examinée par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).
Comment en est-on arrivé là ?
Diarra a signé un contrat de quatre ans avec le Lokomotiv en 2013. L'accord a été résilié un an plus tard après qu'il ait été mécontent de prétendues réductions de salaire. Le Lokomotiv a fait appel à la Chambre de règlement des litiges de la FIFA pour obtenir une compensation et le joueur a soumis une demande reconventionnelle réclamant une indemnisation pour des salaires impayés. Le Tribunal arbitral du sport a conclu que le club russe avait résilié le contrat "avec juste raison" et que le joueur devait payer 10,5 millions d'euros (11,2 millions de dollars). Diarra a déclaré que sa recherche d'une nouvelle équipe avait été entravée par les règles de la FIFA stipulant qu'un nouveau club serait conjointement responsable avec lui du paiement d'une compensation au Lokomotiv.
Pourquoi la cour estime-t-elle que les règles de la FIFA sont contraires au droit de l'UE ?
La libre circulation est un droit fondamental des travailleurs de l'Union européenne au sein du marché unique. Sur cette base, la plus haute juridiction de l'UE a déclaré que les règles de la FIFA, y compris celle qui a conduit au refus de fournir à Diarra un certificat de transfert international (ITC) pour un transfert à Charleroi, limitaient sa liberté de mouvement.
La cour a également jugé que les réglementations de la FIFA enfreignaient le droit de la concurrence de l'UE parce qu'elles visent à restreindre et à empêcher "la concurrence transfrontalière susceptible d'être poursuivie par tous les clubs établis dans l'Union européenne."
Quelle est la prochaine étape juridique ?
La décision de la CJUE sera désormais renvoyée à la cour d'appel de Mons, en Belgique, qui statuera sur l'affaire Diarra. Cela pourrait prendre des années plutôt que des mois. Bien que la FIFA ait déclaré être satisfaite "que la légalité des principes clés du système de transfert ait été confirmée", les avocats de Diarra ont revendiqué une "victoire totale".
Les juges à Luxembourg ont reconnu que la stabilité des effectifs des joueurs et la régularité des compétitions sont des objectifs légitimes pour la FIFA, mais que les règles doivent être appliquées de manière proportionnée.
La décision sur Diarra est-elle comparable à celle de Bosman ?
Certains analystes l'ont comparée à la décision de la CJUE en 1995 sur le Belge Jean-Marc Bosman. Cette décision a levé les restrictions imposées aux footballeurs étrangers de l'UE au sein des ligues nationales et a permis aux joueurs de l'Union européenne de passer gratuitement à un autre club à la fin de leur contrat. Ces principes avaient un objectif clairement plus large que la portée plus étroite de Diarra, concernant la résiliation d'un contrat pour motif légitime.
Pour l'instant, la décision sur Diarra ne modifie pas le fonctionnement du marché des transferts. Mais de nombreux experts juridiques pensent que la décision aura finalement des effets majeurs sur l'économie du sport.
"La décision dit essentiellement que le système actuel est trop restrictif et devra donc changer", a déclaré Ian Giles, associé au cabinet d'avocats Norton Rose Fulbright. "Il est tout à fait possible que les joueurs estiment maintenant pouvoir rompre les contrats et signer avec de nouveaux clubs, sans que le club vendeur ne puisse les retenir ou exiger des frais de transfert importants. Cela se traduira probablement par des frais de transfert réduits et plus de pouvoir économique pour les joueurs - mais avec le temps, les choses devront se stabiliser pour permettre aux clubs de rester économiquement viables."
Il a fallu plus de cinq ans après la décision Bosman pour que les règles de transfert de la FIFA soient mises à jour en 2001. Certains de ces débats seront désormais rouver...